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De l'eau ! Il nous faut de l'eau !

Nous passons finalement 16 jours à Siem Reap, nos visas étant arrivés un peu plus tard que prévus. Heureusement que nous avons fait la demande de visas dans cette ville et non à Phnom Penh, car on se serait vite ennuyé à passer autant de jours dans la capitale. De plus, nous avons eu la chance de passer du temps avec Sébastien et Shadia qui débutent leur voyage de deux mois entre le Cambodge et Bornéo.


Hormis la visite des temples, nous parcourons à vélo à peine 10 km par jour en ville sans notre matériel. Nous logeons dans un joli hôtel pas cher avec piscine. Bref, nous nous encroûtons. Le retour à la réalité du voyage est brutale !


Dès la réception de nos visas, nous quittons la ville pour une première étape d’une trentaine de kilomètres. Le problème est qu’il est déjà 10h30 et à cette heure-là il fait 35 degrés. La chaleur et le fait d’avoir perdu le rythme est passablement difficile. Les pistes de terre rouge se déroulent au milieu de rizières dans lesquelles on observe des maisons sur pilotis. La poussière s’infiltre partout, n’épargnant ni les corps ni les machines. Le soir, nous dormons chez l’habitant où toute une famille vit sous le même toit. On ne se repose qu’à moitié : il fait également 35 degrés dans la chambre et le bruyant ventilateur ne sert pas à grand-chose. A 5h du matin, le grand-père, à moitié sourd, enclenche la télé avec le volume à fond. Celle-ci diffuse de la musique traditionnelle khmer : super réveil ! Les chants de la dizaine de coqs des environs confirment la fin de notre nuit. A ce moment-là, nous ne savons pas encore que la journée qui s’annonce va nous pousser à nos limites…


L’étape du jour doit faire dans les 50 km, non pas parce que nous sommes pressés ou avide d’avaler les kilomètres, mais car la région traversée est particulièrement sauvage. Les possibilités d’hébergement sont réduites. Le matin, les pistes sont roulantes et nous avançons bien malgré la chaleur. Nous décidons de faire 2h de pause à l’ombre pour manger notre pique-nique et éviter de s’exposer aux températures élevées du milieu de journée. Puis, nous nous élançons sur une route nationale goudronnée afin d’avoir un meilleur rendement, mais c’était sans compter sur les 4x4 nous dépassant en nous frôlant à une vitesse folle. Ici aussi certains croient encore que cylindrée rime avec virilité : l’endoctrinement du marketing automobile n’a pas de frontière. Le coup de klaxon signifie : « Je te préviens que je passe sans ralentir ». Un plan B est nécessaire. Nous enclenchons le gps en mode piéton, car cette configuration élargit le champ des possibles. En mode vélo, il nous fait rester sur cet axe dangereux. A peine sortis de la route c’est le soulagement : aucun véhicule et une large piste constituée d’un sol dur et roulant. Puis, plus nous avançons, plus le sol devient sableux. Notre vitesse, qui était d’abord dans les 10km/h, est réduite à 1km/h. Nous poussons nos vélos qui, comme nous, s’enfoncent dans le sable. On en peut plus, nos bras sont en compote. Il nous reste 3 km jusqu’au prochain village et il fera nuit dans une heure. Le calcul est vite fait : encore 3h à avancer ainsi. Nous sommes mal barrés. Mais le pire est que nous n’avons plus d’eau depuis au moins une heure. Nos gorges sont sèches et nous transpirons, le sable se collant à notre peau.


Nous prenons la décision que Dom aille seul chercher de l’eau à pied au village, 6 km aller-retour. Il prend un sac à dos dans lequel il met toutes les gourdes ainsi qu’un lampe frontale. Il part d’abord en courant mais étant épuisé il abandonne rapidement. En cours de route, il tombe sur une famille d’agriculteurs rentrant de leur journée de travail sur leur « tracteur », c’est-à-dire un essieu couplé à un moteur relié à des planches de bois. Sans hésiter, il saute sur leur engin. Ils le déposent au village où il fait le plein d’eau. D’habitude on doit négocier férocement chacun de nos achats, mais là le vendeur doit avoir pitié de son état car il ne demande rien en retour. Pour gagner du temps, Dom interpelle un autre client en moto et lui fait comprendre de l’amener en dehors du village. Il accepte sans sourciller. Dom faillit ne pas retrouver les filles. Heureusement, la moto fait du bruit et Manon appelle pour qu’on les trouve. Arrivé auprès de Manon et Noémie, Dom tend 3 dollars au motard et celui-ci s’en va. Pendant l’absence de Dom, Manon et Noémie ont eu très peur : un chien noir a surgit de nulle part en grognant. Par chance, le propriétaire du chien n’était pas loin et a rappelé son molosse. Le monsieur ramassait des crabes dans ce désert-savane au milieu de rien! On est pourtant pas à la mer, mais Noémie s’y croit aussi : « Maman, papa… je vois la mer ! ».


Bien que nous ayons de l’eau, nous décidons de monter la tente, trop fatigués pour poursuivre. Première nuit sous les étoiles après avoir vérifié que le terrain ait déjà été piétiné pour éviter de sauter sur une mine. Au moins on aura pas transporté la tente depuis bientôt deux mois pour rien ! Couverts de transpiration et de sable collé, nous nous glissons, tels des tranches panées, dans nos sacs de couchage. Au matin, on sort la tête de la tente, le paysage est magnifique : on voit simultanément le soleil et la pleine lune. Ça ressemble à la savane, ne manque plus que les girafes.


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